Quels sont les causes différentes de la boulimie

La boulimie ne se déclare souvent qu’à l’adolescence. Certains l’attribuent à des problèmes survenus dans l’enfance, mais toutes les personnes boulimiques n’ont pas eu une enfance malheureuse, due au divorce des parents, au décès d’un proche, une agression sexuelle… Il s’emblerait en fait que quelque chose s’est passé au tout début de la vie. Mais quoi ? La cause de la boulimie remonte-t-elle à la relation parent nourricier-enfant ou est- elle due à un dysfonctionnement des neuromédiateurs ? Causes de la boulimie : version psychanalytique La psychanalyse a tendance à renvoyer à la relation parent nourricier-enfant qui n’apporterait pas au bébé suffisamment d’apaisement pour que celui-ci puisse  grandir tranquillement. Il peut être brillant intellectuellement, mais n’ayant pu acquérir suffisamment d’autonomie affective pour développer une saine relation à l’autre.Ce qui donnerait aux personnes boulimiques la capacité de réussir leur vie sociale tout en restant émotionnellement des bébés dont il faudrait s’occuper tout le temps pour qu’elles ne se sentent pas abandonnées du point de vue affectif. La cause de la boulimie serait-elle liée à une relation précoce aux parents peut-être trop chargée d’angoisse? Il se peut même que le cerveau du foetus, dans le ventre de sa mère, ait absorbé l’angoisse de celle-ci. Ce qui pourrait déjà à ce stade créer un trouble du développement affectant ultérieurement le fonctionnement des réseaux cérébraux. Pour corroborer cette thèse, une recherche au sein de l’Institut National de la Santé Mentale révèle qu’un grand nombre de personnes sujets à la boulimie ont aussi des périodes de dépression avec des comportements obsessionnels compulsifs du même type que ce qui s’observe dans le trouble obsessionnel compulsif (TOC, ou en anglais OCD). Or, pour certains scientifiques, l’association de la boulimie, de la dépression, et du trouble obsessionnel compulsif laisse entrevoir une cause commune qui serait un déséquilibre dans la production et/ou l’utilisation de la sérotonine. La cause de la boulimie serait-elle alors liée à un problème neurophysiologique? Causes de la boulimie du point de vue de la neuro-physiologie L’insuffisance de production de certaines substances telle que la sérotonine dans le cerveau du bébé pourrait gêner ultérieurement le déroulement de certaines fonctions supérieures comme par exemple la gestion de l’impulsivité, l’aptitude à la concentration ou encore la tolérance à la frustration. Dans la mesure où il est prouvé aujourd’hui que la sérotonine joue un rôle important dans le contrôle des niveaux d’anxiété, son idysfonctionnement induit une difficulté dans le vécu émotionnel de l’enfant susceptible de bloquer le développement de sa vie affective. Mais que l’on penche pour l’une ou/et l’autre de ces explications (la relation parent-bébé ou bien le manque de sérotonine), il en résulte dans l’un ou l’autre cas de toutes façons, pour l’enfant, une sensation d’ « agonie » psychique, « je me sens mort… pas tout à fait vivant » (pour reprendre les mots de Boris Cyrulnik) équivalente au ressenti d’un enfant traumatisé. Cette agonie psychique a des conséquences perturbantes sur la vie relationnelle affective. En effet, lorsqu’il est en souffrance, l’enfant n’aurait pas suffisamment d’attention, d’affection, de la part des autres. Par ailleurs, lui-même ne peut pas donner suffisamment d’attention à ceux qui l’entourent, ou alors, lorsqu’il en donne, c’est maladroit, pas de la bonne façon et pas au bon moment, souvent trop « collant » ou « plaintif ». Agacé, stressé par lui, son entourage proche aura tendance à ne pas lui manifester suffisamment les témoignages d’affection dont il a besoin pour s’épanouir. On voit bien comment au départ les dysfonctionnements d’un neuromédiateur (la sérotonine) peuvent provoquer de la souffrance mentale, laquelle, à son tour, peut entraîner des difficultés de communication précoces, un sentiment d’isolement, amenant l’enfant à se centrer sur lui-même et le rendant incapable en grandissant de prendre en compte le mental de l’autre. Pour illustrer comment les difficultés du petit enfant peuvent poser problème dans la vie adulte, Je donnerai volontiers un exemple point à la ligne. Il s’agit d’une jeune femme qui vient me voir pour la première fois. Elle est en demande d’une psychothérapie. Je lui explique qu’elle peut parler de tout ce qu’elle veut sauf de sa boulimie ni de ce qu’elle pense rationnellement être les causes de sa boulimie. Je lui demande donc expressément de me dire tout ce qui lui est important sans faire référence à son passé. Je lui propose de laisser venir tout ce qui lui vient spontanément même si elle trouve que ce qu’elle a à dire n’est pas intéressant ou inutile. Je la préviens aussi, pour qu’elle ne soit pas trop étonnée, que je n’ai pas une attitude de psy traditionnelle, que j’interviens moi-même spontanément. Je lui propose de m’interrompre quand elle penses que je ne comprends pas bien ce qu’elle me dit et que notre rapport doit être davantage à un rapport d’égal à égal qu’un rapport de patient à un psy. Cette façon de procéder fait que l’entretien ne ressemble pas toujours à une consultation mais plutôt à une conversation ordinaire qui peut paraître superficielle ou sans intérêt. En réalité, plus les échanges sont fluides et plus la personne va laisser échapper des petits bouts d’elle-même sans les censurer. Cette manière de faire a aussi l’avantage d’échapper au blocage et au silence qui se présentent lorsque le psychothérapeute a une attitude un peu trop neutre, voire même un peu trop bienveillante. Trop de bienveillance chez le psy peut engendrer de la méfiance chez la personne qui vient le consulter. L’intérêt de cette façon de procéder, c’est d’observer comment la personne rentre en relation avec le thérapeute. Dans sa manière d’être avec moi Je trouverai des indices solides sur la façon dont elle rentre en contact avec l’autre d’une manière générale. Une consultation en psychothérapie permet d’observer le langage émotionnel de la personne qui consulte et la manière dont elle entre en contact avec les gens. Il se trouve que cette personne se met alors à me parler pendant un long moment à toute vitesse, sans me regarder. Elle se décrit dans son discours comme quelqu’un qui est très soucieuse des autres au point de tout leur donner si c’est nécessaire et en même temps dans l’échange que nous avons, elle ne me prend pas en considération. Bien sûr on peut concevoir qu’on est toujours un peu intimidé quand on va consulter un psy, qu’on a tendance à se sentir dans une position d’infériorité. Mais cela n’implique pas nécessairement qu’on ne le regarde pas en parlant. On peut être intimidé, se sentir en position inférieure et faire attention à l’autre malgré tout. Se comporte-t-elle de cette façon avec d’autres que moi ? Est-elle toujours totalement repliée sur elle-même ? Peut-être pas exactement de la même façon, mais c’est probable. Je lui fais remarquer qu’en parlant elle ne me regarde pas. Je trouve utile de dire aux gens qui viennent me consulter ce que je remarque d’eux. Je leur dis même ce que je ressens et j’ai dû lui dire quelque chose comme : en face de vous, je me sens un peu seule parce que vous ne me prenez pas beaucoup en considération. En me parlant très vite sans me regarder, sans vérifier si j’ai l’air de comprendre son discours, si le « courant » passe entre nous ou pas. Et je lui fais remarquer qu’elle se comporte comme si je n’existais pas ou comme si j’étais interchangeable avec n’importe quelle autre personne. Cette fois elle me regarde avec intérêt comme si je visais juste : « C’est vrai, reconnaît-elle, on me reproche d’être dans ma « bulle ». Elle n’est donc pas seulement prisonnière de la nourriture mais elle est aussi dans une prison mentale se comportant avec les gens comme si elle était seule. Parfois elle est capable de jouer le jeu de la communication et cela ne se voit pas, mais au fond d’elle-même elle sait très bien qu’elle se sent en décalage avec les autres. C’est très souvent, dans les groupes, que les gens s’adressent à quelqu’un sans le regarder. C’est très souvent aussi que je leur demande de redire ce qu’ils étaient en train de dire mais cette fois en regardant la personne à qui ils s’adressent. Cet exercice est très intéressant parce qu’il permet à la personne qui parle de se connecter à ses émotions en parlant. Et il permet également à la personne à qui elle s’adresse de la prendre en considération et de le lui dire. Un contact peut s’engager. Une vraie rencontre, comme dirait Charles Pépin, le philosophe qui a écrit un livre passionnant sur la rencontre. (dont le titre est justement « la rencontre ») En même temps, en parlant très vite, sans me regarder, elle me montre aussi qu’elle ne prend pas le soin d’entrer en contact avec moi. A-t-elle peur ? Me craint-elle ? L’autre, d’une manière générale, est-il dangereux ? Existe-t-il concrètement pour elle ou n’existe-t-il qu’au travers de l’idée qu’elle s’en fait ? Si je n’étais pas psy, je remarquerais sans doute toutes ces choses mais je ne dirais rien. En tant que psy, je trouve utile pour mes patients de les renseigner sur ce que j’observe d’eux. Je lui parle donc, en prenant un ton aussi doux que possible pour qu’elle ne vive pas cette remarque avec trop de brutalité, de l’écart entre l’image qu’elle a d’elle et son comportement dans la réalité : elle se dit soucieuse des autres mais, dans le présent de la séance, elle n’est pas soucieuse de moi puisqu’elle ne me regarde pas et parle à toute vitesse, comme si elle se parlait à elle-même, sans vérifier si je comprends ce qu’elle me dit, si je suis bien synchro avec elle, si le « courant » passe entre elle et moi. Elle se comporte en quelque sorte comme si je n’existais pas. En fait cette jeune femme est comme dans une prison mentale. Face aux gens, elle se comporte comme si elle était seule. Bien sûr cela s’explique parce qu’elle se sent seule. Elle se sent moins bien que tout le monde. Elle se sent décalée parmi les autres, elle se sent effectivement vide à l’intérieur d’elle-même et à la sensation qu’elle ne peut rien apporter aux gens. Mais heureusement on ne reste pas enfermé en soi-même toute sa vie, à condition qu’on ait un lieu d’expérimentation qui permettre de ressentir qui on est vraiment, de s’affirmer aussi, maladroitement dans un premier temps, mais avec douceur dans un second temps. Le groupe de parole peut être un lieu d’expérimentation qui permet de s’entraîner à être soi authentiquement tout en apprenant à être en contact avec les autres. Même quand on a beaucoup souffert dans l’enfance et qu’à cause de cela on est enfermé sur soi-même, on a peur des autres. Un groupe de parole permet de s’en sortir grâce à ce que Boris Cyrulnik a appelé la résilience. La résilience c’est ce qui se passe quand on peut enfin sortir de soi et rencontrer les autres. Selon Boris Cyrulnik la résilience est ce phénomène qui vous produit quand on rencontre quelqu’un qui vous prend totalement en considération, qui te regarde vraiment. Tout à coup vous ressentez comme un sentiment de dignité. Vous existez pour l’autre ce qui vous fera peu à peu exister aussi pour vous-même. La cause de la boulimie c’est l’incapacité de rencontrer de l’autre. Quand quelqu’un vous donne l’occasion de vivre une vraie rencontre, pas nécessairement une rencontre amoureuse, n’importe quelle rencontre pourvu qu’il y ait un contact authentique et une connivence, quelles que soient les opinions de chacun, vous changez d’univers. Tout à coup vous êtes moins perdu. Il s’ensuit que l’angoisse diminue énormément au point de ne plus ressentir le besoin d’avoir une addiction pour vivre. Ce quelqu’un peut être n’importe qui. J’ai connu une jeune femme boulimique anorexique qui a rencontré un homme dont elle était très amoureuse mais avec qui il ne pouvait pas tout se permettre. Dès le début de la relation, il lui a mis des limites. « Tu ne peux pas me faire de reproche», « tu ne peux pas passer ton temps à me raconter tes malheurs en boucle», « avec toi je veux du light»… Avec cet homme, elle a été obligée de sortir d’elle-même, de lâcher ces disques rayés, et de passer à une relation non fusionnelle et très saine. Cette jeune femme n’a pas eu besoin de faire une psychothérapie parce que grâce à son mari elle a appris à communiquer dans le respect de chacun. Mais quand on n’a pas la chance de rencontrer quelqu’un qui met des limites et quand on ne peut pas faire autrement que se replier sur soi-même avec ses disques rayés, une psychothérapie peut amener la personne à sortir de sa bulle pour apprendre à rencontrer l’autre. Par exemple pour cette jeune femme dont je viens de vous parler qui en consultation parlait trop vite et sans regarder son interlocuteur. En prenant conscience que son monologue fatiguait l’autre, en travaillant son rapport à l’autre grâce aux échanges entre les participants dans un groupe, elle peut découvrir le plaisir de la rencontre, d’une vraie rencontre authentique. Elle a pu aussi se féliciter d’avoir eu ce courage là. C’est cela qui développera l’estime d’elle-même: savoir rencontrer l’autre dans la complicité et le respect, quelles que soient les différences de chacun. Avec le temps elle découvrira qu’elle n’est pas toute seule. Elle ouvrira les yeux pour mieux découvrir son environnement. Elle s’exercera à basculer dans un autre mode relationnel. Et petit à petit elle sortira de son isolement. Ce n’est qu’en apprenant à prendre sa place face à l’autre, tout en lui accordant sa place à lui aussi, qu’elle pourra vraiment se sentir exister enfin. Boris Cyrulnik, qui est neuropsychiatre et psychanalyste, explique que lui-même revient de loin et que c’est par la rencontre qu’il s’en est sorti. Le philosophe Charles Pépin dit la même chose. On ne peut être soi-même que face à l’autre. Grâce aux rencontres importantes qu’on peut faire dans la vie, ou aux psychothérapies de groupe. Celles-ci permettent de se confronter à soi-même quand on se confronte à l’autre, tout devient différent. L’addiction disparaît tandis qu’un sentiment de paix intérieure, de liberté apparaît. La vie sociale et la vie affective alors deviennent douces. Et c’est cela qui fait disparaître la boulimie définitivement, tout simplement parce qu’on n’en a plus besoin, on n’a plus besoin de s’accrocher à quelqu’un ou à quelque chose. Ce changement de posture par rapport à la vie fait qu’en général on n’a plus de carence en sérotonine. Le sentiment de solitude, agressivité et la dépression disparaissent. Cela dit, quand on est hypersensible, on peut avoir parfois des émotions très fortes et se retrouver en manque de sérotonine. Les effets d’irritabilité et de fatigue peuvent revenir parfois dans ces moments-là. Sans que ça fasse autant de dégâts qu’avant. Il est toujours possible pendant ces périodes si besoin d’avoir recours à un médicament stimulant la sérotonine pour réguler l’humeur. Mais en général cela ne dure pas longtemps. Dans ces moments-là, on apprend à s’écouter, on lâche un peu prise avec les devoirs du quotidien, on se distrait en regardant une bonne série. c’est le moment de se faire une séance de méditation en pleine conscience si on sait le faire ou de faire une bonne sieste pour Se sentir ressourcé comme si rien ne s’était passé.

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