Ce témoignage exprime très bien les difficultés identitaires et relationnelles qui accompagnent sa boulimie.
Qu’il s’agisse de boulimie ou d’hyperphagie, souvent les gens ont tout essayé. Ils ont d’abord tenté de s’en sortir tout seul.
Les hyperphagiques testent différents régimes, jeûnes, hypnose, méditation. Les boulimiques, qui se font vomir, tentent parfois d’arrêter en pensant qu’assumer les conséquences de leur acte les motivera pour cesser les crises.
Peut-on s’en sortir tout seul ?
Certaines personnes parviennent à s’en sortir seules. J’ai souvent entendu des parents me dire qu’étant jeunes, ils étaient boulimiques. Mais d’autres, malgré de nombreuses tentatives de thérapies différentes, n’obtiennent que des résultats à court terme. Leur besoin de manger est obsédant ; ils finissent par craquer, ce qui complique beaucoup la vie familiale et parfois les relations sociales, car ils voudraient bien sortir mais annulent au dernier moment, parce que le besoin de manger est plus fort.
Boulimie : Comprendre et traiter : diagnostic de boulimie
Les centres de traitement
Selon les médecins, la boulimie ou l’hyperphagie boulimique a des causes multiréférencielles et nécessite plusieurs approches thérapeutiques. Dans les centres spécialisés, à l’hôpital ou en clinique privée, on propose de combiner différents traitements : rééducation alimentaire, psychothérapie de soutien, groupes de parole, ateliers créatifs, yoga, méditation, hypnose. Les résultats sont généralement décevants. Quand ils apportent une amélioration, c’est souvent à court terme.
Hyperphagie : Solutions et thérapies
Quand la cause est psychologique, avant d’entreprendre une psychothérapie ou une psychanalyse, il y a deux cas de figure :
1. Cela peut être passager suite à un événement émotionnellement difficile. Les adolescents passent parfois par une période anorexique puis boulimique pendant un temps relativement court et retrouvent une alimentation normale quand les émotions se sont calmées.
2. Cela peut se présenter sous une forme chronique.(la boulimie nerveuse) C’est le cas lorsque la personne est stressée du matin au soir et que seule la boulimie ou l’hyperphagie parvient à la détendre.
Même quand la cause est psychologique, selon le type de personnalité de la personne, la psychothérapie devra elle aussi être différente. Parfois la psychothérapie de groupe est plus appropriée.
• Si vous vous sentez bien dans votre peau la majorité du temps, si vous n’avez pas un sentiment de dévalorisation envers vous-même, si vous avez des relations intimes douces sans vous sacrifier pour l’autre, votre boulimie peut être très impressionnante mais ne sera qu’un passage. Toute bonne thérapie, quelle que soit son approche, vous aidera à passer le cap de ce moment difficile.
• Si vous êtes stressé du matin au soir, si seule la boulimie vous apaise et si, par ailleurs, vous avez le sentiment de ne pas vraiment vivre votre vie.Quand l’addiction alimentaire est passagère, elle peut aisément se traiter avec les psychothérapies proposées traditionnellement.
Traitement psychologique de l’addiction
Mais quand elle est chronique, il s’agit d’une addiction liée à un problème d’identité et elle sert de réflexe de survie pour échapper à un stress intense. Dans ce cas, la psychothérapie doit s’ajuster à la problématique identitaire de ces personnes qui, bien que souvent très à l’aise dans la vie sociale, dérapent quand l’affectif est en jeu et se comportent émotionnellement comme des bébés dans des corps d’adultes.
Beaucoup de gens me disent qu’ils sont très handicapés par leur boulimie ou hyperphagie et qu’ils souhaitent s’en débarrasser. Je leur explique que l’addiction alimentaire n’est qu’un de leurs symptômes. C’est le symptôme qui les embête peut-être le plus, mais il est lié à un problème d’identité dû à ce que les psychologues appellent une problématique d’attachement liée aux mille premiers jours de la vie.
La problématique d’attachement
Les problématiques d’attachement trouvent leur origine dans les premières interactions entre un enfant et ses figures parentales. Des attachements insécures, développés par des relations instables ou traumatiques, ou parfois par une hypersensibilité émotionnelle de l’enfant, peuvent engendrer chez l’adulte des difficultés émotionnelles et relationnelles, telles que la peur de l’abandon, l’anxiété, ou l’incapacité à créer des liens stables et sûrs.
Si vous avez une hypersensibilité émotionnelle, tout est génial ou nul, sans nuances. Vous avez des humeurs en dents de scie. Vous en rajoutez pour être aimé, d’où votre syndrome de l’imposteur. Les contacts avec les autres sont compliqués, fatigants, trop intenses pour être légers. Vous avez une ou plusieurs addictions pour vous accrocher à la vie. Vous ne supportez pas l’ennui et pourtant vous vous ennuyez beaucoup. Vous avez peu de motivation. C’est comme s’il vous manquait un starter. Il vous faut une excitation très forte pour vous mettre en mouvement. Quand vous ne parvenez pas à être créatif, vous déprimez. Vous aspirez à vivre un état quasi végétatif, tranquille, serein, dans les bras d’une maman idéale. Et c’est cela la boulimie ou l’addiction : une maman idéale qui sécurise immédiatement. La seule chose qui vous sauve, c’est une passion très forte, mais seulement le temps de la passion. Parce que rentrer chez vous, c’est le vide total, même s’il y a des gens que vous aimez, enfants, etc.
La psychothérapie de groupe pour traiter les addictions sévères
Concernant les addictions sévères comme la boulimie et l’hyperphagie boulimique, la psychothérapie doit permettre non seulement à l’adulte, mais aussi au petit bébé et à l’enfant en lui de s’exprimer sous forme d’élans spontanés. C’est un travail qui donne de très bons résultats en psychothérapie de groupe, où il est demandé aux participants d’être authentiques et d’exprimer librement tout ce qui leur plaît ou les dérange dans le groupe ou dans leur vie actuelle. Certains participants restent silencieux longtemps, mais grâce à l’effet miroir, même silencieux, ils peuvent reconnaître les émotions authentiques qui leur appartiennent et les schémas de pensée auxquels ils adhèrent réellement, contrairement à ceux qui les ont amenés à ne pas être eux-mêmes.
L »affirmation d’un soi authentique
Une fois les émotions authentiques identifiées, les participants s’entraînent non seulement à les exprimer devant les autres, ce qui leur permet d’acquérir de l’affirmation de soi, mais un vrai soi cette fois. L’étape suivante consiste à leur permettre de s’entraîner à être authentiques sans être violents, intrusifs ou fuyants, mais de manière à ménager la sensibilité des autres. Ce travail permet à l’addiction alimentaire de disparaître sans effort de volonté.
La psychologie est plus efficace si elle s’appuie sur la philosophie
L’importance d’une communication agréable avec les autres tout en étant authentique c’est à dire agréable aussi pour soi. Voici ce que disait pami tant d’autre philosophes et psychologues contemporains, le philosophe Husserl :
«Être disposé à changer est réservé aux personnes intelligentes. L’inconscient régit notre vie, et l’inconscient est constitué de nos croyances, dont beaucoup sont fausses même si nous les tenons pour acquises. Avoir une attitude d’ouverture à tout et à tous nous met dans de meilleures conditions pour continuer à grandir.
Comme le disait déjà Keynes, « la chose la plus difficile au monde n’est pas pour les gens d’accepter de nouvelles idées, mais d’oublier les anciennes »; quelque chose de similaire à ce que pensait Goethe : « Faites attention à ce que vous apprenez car vous ne pourrez pas l’oublier. » Être ouvert au « désapprentissage » est absolument essentiel pour qu’un véritable apprentissage ait lieu. Bien souvent, ce que nous pensons savoir est ce qui nous empêche réellement d’apprendre.
Bertrand Arthur William Russell était un philosophe, mathématicien, logicien et écrivain britannique, lauréat du prix Nobel de littérature.
(1872-1970).