Qu’est-ce que vous entendez par psychopédagogie ?
Parfois il faut clairement pointer aux gens ce qui est de l’ordre de leurs croyances ou ce qui appartient à la réalité. Faire juste une petite allusion du genre « ah ? vraiment ? » ne suffit pas à certains types de personnalités, en particulier ceux qui ne peuvent pas vivre sans une addiction, pour prendre conscience que ce qui nous trouble ne vient pas forcément de l’extérieur de nous mais de quelque chose que l’on produit soi-même. Le fait de prendre conscience de la manière dont on pense, dont on agit, et de ce qui pourrait se produire si on se comporte autrement (j’utilise beaucoup l’hypnose pour cela), permet de s’alléger des poids qu’on traîne depuis l’enfance.
Il y a des gens qui disent que l’hypnose ne marche pas ?
Cela peut se produire quand on est trop directif, lorsque la personne ne supporte pas la directivité, ou quand on lui propose d’imaginer « un lieu sûr » (une « safe place ») sans savoir si elle en est capable. Certaines personnes, quand on les accompagne en hypnose et qu’on leur demande de trouver un lieu sûr et rassurant, dans lequel elles peuvent se sentir confortable, n’y parviennent pas ; soit parce qu’elles ont toujours une angoisse latente qui les empêche de se détendre suffisamment, soit parce qu’elles n’en ont pas le souvenir de ces moments ou qu’elles n’ont pas su en profiter suffisamment à cause de leur angoisse, ou parce qu’elles n’en ont tout simplement jamais rencontré.
Ce sont des erreurs que font les hypno thérapeutes insuffisamment formés, ou même ceux qui ont eu une bonne formation mais qui ne connaissent pas la personnalité atypique des personnes qui ne peuvent pas vivre sans une addiction.
L’hypnose est donc votre outil thérapeutique de prédilection ?
Il arrive que je n’utilise pas l’hypnose avec certaines personnes ou en tout cas pas tout de suite. L’hypnose n’est pas un but en soi, mais simplement une technique d’apprentissage et d’accompagnement que l’on peut utiliser ou pas, selon le contexte et à certains moments particuliers.
Parallèlement à l’hypnose, je mets en place des groupes de parole dans lesquels les personnes que j’accompagne en individuel peuvent travailler à dépasser leurs difficultés relationnelles.
Quelle est votre approche avec une personne boulimique ?
Quand une personne souffrant de boulimie va voir un thérapeute individuel, la première chose qu’elle lui demande c’est de traiter le symptôme. Beaucoup d’hypno-thérapeutes proposent ce genre de traitement. Généralement, ce qu’expérimentent les gens qui font ce type de travail, c’est d’avoir effectivement une rémission du symptôme pour un temps donné, au prix d’un effort considérable. Mais au bout d’un certain temps, le symptôme revient comme il est parti parce qu’il a une fonction.
On sait très bien, dans le changement en thérapie, qu’on va s’intéresser au système qui produit le symptôme. La personne est dans un environnement particulier, dans une société particulière, avec aussi une manière interne de réagir aux événements, de comprendre le monde, qui sont particulières. Tout ce système-là, pour tenir en place, a besoin du symptôme. Donc si on travaille sur le système et qu’il s’équilibre de manière satisfaisante pour la personne, le symptôme devient caduc. Il n’a plus besoin de remplir sa fonction parce que sa fonction est remplie par des choses qui sont plus efficaces, plus appropriées pour la personne et donc, de manière toute naturelle, ça prend la place du symptôme.
Le travail se fait en étant accompagné par l’hypno thérapeute L’hypnose est un VOYAGE. C’est sa propre vie qu’on visite. Chaque séance constitue un voyage différent dans lequel on peut aborder un aspect différent de sa personnalité.
Un voyage ?
Oui. C’est surprenant en général. Il y a des gens qui décrivent qu’à la fin de ce voyage ils ont été transformés. Comme l’inconscient ne connait pas la différence entre le réel et l’imaginaire, on peut vraiment être transformé par l’expérience. On se dit : « parce que j’ai vécu ça, ça existe pour moi, c’est possible ».
On a constaté dans le travail avec l’hypnose que la partie non consciente de notre esprit, qui fait les choses d’une manière un peu automatique, sans qu’on lui demande nécessairement de le faire, va dans le sens de notre bien-être.[1] De même que chaque respiration qu’on prend est un « oui » implicite à la vie, notre organisme va dans le sens de la survie comme chacune de nos cellules.
Dans l’hypnose, quand le psy a une bonne formation de psychologue clinicien ou de psychanalyste[2], on ne trouve que des choses qui vont dans le sens de la vie et dans le sens d’une amélioration. Même lorsque le travail peut être confrontant, lorsqu’il peut fatiguer, laisser sortir des larmes ou même du rire, c’est toujours, au final, dans le sens de qui est bien pour nous.
Interview de David Bernadaux[3]
[1] Ajout de Catherine Hervais. : Aussi absurde que cela peut paraître, nos symptômes sont une manière primaire d’accéder à notre bien-être sous une forme symbolique. Si on ne les avait pas on se ferait peut-être du mal
[2] C’est notamment ce que constatait François Roustang
https://www.boulimie.fr/video-boulimie/video-du-mois/francois-roustang qui après avoir été psychanalyste pendant plusieurs années a fini par beaucoup utiliser l’hypnose.
[3] David Bernadaux, hypno praticien spécialisé dans l’approche avec des personnes souffrant d’addictions. Travaille à Paris mais aussi par internet si la personne habite loin.
davidbernadaux@gmail.com