Les hommes face à la boulimie

Bien que les hommes soient moins nombreux dans les groupes de psychothérapie dont les participants font de la boulimie vomitive ou hyperphagique, il y en a souvent deux ou trois par groupes. Dans un reportage nous donnons la parole à l’un d’entre eux.

(transcription de la vidéo encas de page)

Les hommes boulimiques

Les hommes qui luttent contre une addiction alimentaire d’origine psychologique, souvent liée à un manque d’estime de soi, font face à un défi particulièrement complexe. Alors que certaines personnes se tournent vers l’alcool, la drogue, le travail ou le sexe pour gérer leurs émotions et leurs angoisses, d’autres trouvent refuge dans la nourriture. Cette forme d’addiction alimentaire peut être tout aussi destructrice et difficile à surmonter que les autres formes d’addiction, et elle peut toucher des hommes qui, en apparence, mènent une vie professionnelle très réussie.

Le lien entre l’estime de soi et l’addiction alimentaire est profondément enraciné dans la psychologie humaine. Les hommes qui souffrent d’un manque d’estime de soi ont tendance à se sentir inadéquats, dévalorisés et parfois même honteux. Pour compenser ces sentiments négatifs, ils cherchent souvent un réconfort immédiat et accessible. La nourriture devient alors un moyen de satisfaire leurs besoins émotionnels et de combler le vide intérieur.

L’une des thèses pour lesquelles certains hommes choisissent la nourriture comme échèappatoire réside dans sa disponibilité constante. Contrairement à d’autres addictions, comme l’alcool ou la drogue, la nourriture est toujours à portée de main. Elle ne nécessite pas de fournisseurs clandestins ni de lieux secrets pour la consommer. En outre, manger est socialement accepté et même encouragé dans de nombreuses situations, ce qui rend difficile la prise de conscience du problème par l’individu et son entourage.

Pourquoi la boulimie et pas l’alcool ou la drogue ?

Je crois que personne ne choisit pas son addiction. Je ne suis pas sûre qu’on choisisse la nourriture par commodité. Personne je crois ne sais vraiment pourquoi le choix de son addiction se porte sur tel ou tel comportement. Pour les hommes aux carrières réussies, l’addiction alimentaire peut être aussi destructive que pour les femmes. Ils peuvent occuper des postes de responsabilité, être respectés par leurs pairs et être admirés pour leurs réalisations, mais en privé, ils luttent contre une addiction qui compromet leur bien-être physique et émotionnel. 

L’addiction alimentaire peut prendre de nombreuses formes, allant de la suralimentation compulsive à l’obsession de la nourriture saine en passant par les cycles de restriction et de binge eating. Chaque personne a sa propre manière de faire face à ses émotions et à son manque d’estime de soi à travers la nourriture, mais toutes ces manifestations partagent un point commun : elles constituent une tentative de remplir un vide émotionnel avec de la nourriture, même si cela ne fait que renforcer le sentiment d’insatisfaction et de honte.

Émotions et compulsions alimentaires

La compulsion alimentaire commence souvent par une émotion intense aussi bien douleureuse que procurant un grand plaisir. On se tourne alors vers la nourriture pour se sentir mieux, car la nourriture peut libérer des hormones du bien-être, telles que la sérotonine, qui procurent une sensation temporaire de réconfort. Cependant, cette sensation est généralement de courte durée, et une fois que l’effet euphorisant de la nourriture s’estompe, la culpabilité et la honte sont renforcées.

La répétition de ce schéma crée un cycle vicieux créant une spirale descendante de comportements destructeurs pour leur santé physique et mentale. Au fil du temps, ils peuvent développer des problèmes de poids, des troubles alimentaires, des maladies liées à l’obésité, 

Compulsions plus fortes que la volonté

Pour briser ce cycle, il est essentiel de reconnaître que l’addiction alimentaire n’est pas simplement une question de volonté ou de discipline. C’est un problème complexe ancré dans des facteurs psychologiques profonds, tels que l’estime de soi, l’anxiété et la gestion des émotions. Par conséquent, la guérison nécessite généralement une approche multidisciplinaire.

D’après les services spécialisés troubles du comportement alimentaire (TCA) Les hommes qui luttent contre une addiction alimentaire peuvent bénéficier d’une thérapie individuelle pour explorer les racines de leurs problèmes d’estime de soi et apprendre des stratégies pour gérer leurs émotions de manière plus saine. Les groupes de soutien peuvent également offrir un espace sûr pour partager des expériences et des conseils avec d’autres personnes confrontées au même défi.

En outre,actuellement, selon les services spécialisés, l’adoption d’un mode de vie équilibré et d’une alimentation consciente peut aider à réduire les impulsions alimentaires compulsives. Travailler avec un nutritionniste ou un diététicien peut aider à établir un plan alimentaire sain et durable.

La puissance de.la psychothérapie de groupe pour les hommes aussi.

Il est important de noter que la récupération de l’addiction alimentaire peut être un processus long et difficile. Les rechutes évidemment sont courantes si on fait une approche comportementale ou si on cherche ce qui ne va pas dans le passé.  

En fin de compte, il est essentiel de briser le tabou entourant l’addiction alimentaire chez les hommes et de reconnaître que le problème est le même que chez les femmes: un manque d’estime de soi. cela peut toucher n’importe qui, indépendamment de leur succès professionnel apparent. En osant s’affirmer dans un groupe avec authenticité, en apprenant à le faire sans agressivité, en trouvant les mots justes ils peuvent accéder de l’estime de soi,et à trouver un équilibre durable et définitif dans leur relation avec la nourriture.

 

Voici le texte de son témoignage  :

« – J’avais l’impression d’être malade en permanence. Ça n’était pas une question de boulimie, c’était la question de toutes les peurs, toutes les angoisses qui généraient ce symptôme-là. Mais j’avais beau parler de ça avec les psychologues, ça nourrissait l’image d’être malade. Je t’ai appelé, on a parlé très brièvement au téléphone. Je suis arrivé dans un groupe de filles, je me suis dit qu’elles allaient me raconter leur truc avec les garçons et je vais être là, le seul garçon, que ça va me fatiguer. Et puis, tu m’as dit que de toute manière, on ne parle pas de boulimie ! Alors là, je me suis dit : « mais qu’est-ce qu’elle me raconte ? Je viens pour régler des problèmes de de boulimie, et elle me dit qu’on ne va pas en parler ! ». Je me suis dit « bon d’accord » ! Après, tu m’as dit que je verrais, que c’était des personnes comme les autres. Là je me suis dit : « Ah oui d’accord ». Je suis venu au premier groupe, et je me suis mis absent, comme je le fais au quotidien. Et plus les gens parlaient, plus j’avais l’impression de me voir ; la sensation de miroir. Je me suis dit que ce sont des femmes et j’avais quand même l’impression de me reconnaître. Pas dans l’histoire avec leur compagnon, mais de la manière dont elles ont parlé. La manière dont elles vivaient, la manière dont elles s’angoissaient. Je me suis dit :  » bon d’accord, ça c’était le premier jour heureusement que la Thérapie c’était sur deux jours « Le lendemain, je me rappelle, sur une chaise, bien caché dans un coin. J’étais déjà parti dans l’idée que je n’allais pas revenir, que c’était trop impressionnant, je ne vais pas réussir à parler devant les filles, devant cette idée que les garçons ça ne doit pas s’épancher sur ses douleurs. Là, tu m’as fait faire un jeu de rôle, le dimanche le deuxième jour.

– Tu te rappelles ce que c’était ?

– Ah oui. Tu m’as demandé pourquoi j’étais là. J’ai répondu que je suis venu parce que j’ai rompu le contact avec mon père, et que ça fait je ne sais plus combien de mois que je ne l’avais pas vu, et que je ne suis pas allé dans ma famille à Noël, tous les symptômes du borderline : ne pas être conciliant, reprocher à la personne des choses dont elle n’est pas responsable ! Tout ce que j’ai pu déverser sur cette personne-là est devenu la cause des problèmes. Ce jeu drôle avec deux chaises, où je me suis assis et j’ai fait les deux rôles… j’ai changé de place pour faire à la fois mon père et moi, et faire ce dialogue à deux en étant tout seul. En fait ça a été tellement violent dans ma tête ! Je crois que c’est enfin la première personne qui est capable d’aller de façon aussi violente dans ma tête que ce que je m’impose moi. Le petit vélo qui tourne que je m’impose tous les jours et qui me flagelle. J’ai en face de moi quelqu’un qui est capable d’enrayer ça parce qu’elle est capable d’être aussi violente que moi. Ce n’était pas violent, c’était dans la douceur que tu le faisais, avec tact et précaution, mais avec une fermeté dont j’avais besoin ; et que je n’avais jamais trouvé par le passé. »