L’estime de soi se gagne avec un mélange d’authenticité et de tolérance

L’estime de soi, ce précieux trésor intérieur, est la pierre angulaire de notre bien-être émotionnel et de la disparition de tous nos symptômes psychosomatiques et troubles du comportement d’origine psychologique. Elle définit notre perception de nous-mêmes, façonne nos relations et influence nos choix de vie. Dans le dialogue entre Catherine Hervais – psychologue en trouble du comportement alimentaire et une jeune femme, cette dernière explique comment elle a gagné en estime de soi grâce à l’authenticité dans le rapport à elle-même et à l’autre.

CH : — Est ce que tu as encore beaucoup de boulimies ?

JF : — Plus du tout, plus depuis plusieurs années.

CH : — Depuis plusieurs années. Avant, tu étais boulimique… depuis combien de temps ?

JF : — 20 ans.

CH : — Qu’est-ce que tu dirais que les groupes t’ont appris, en résumé ?

JF : — Ça m’a appris qui j’étais, à vraiment accepter qui j’étais, comment j’étais, à ne plus être perdue, à me trouver. Ça m’a appris comment aller au contact avec l’autre, de manière simple, sans me prendre la tête, sans analyser, sans réfléchir, juste spontanément. Ça m’a appris à être spontanée ; ça m’a appris à être moi de manière authentique. Je pense que c’est tout ça, à partir du moment où ça a été fluide avec les autres, fluide avec moi-même, Tout le reste s’en va. J’ai plus peur, j’ai plus de colère. Ça mis des années, évidemment, avant de mettre en place, certaines choses avant les autres, mais le rapport à l’autre et le rapport à moi-même est très fluide.

CH : — Tes boulimies sont parties au bout de Combien de temps après les groupes ?

JF : — C’est parti pendant les groupes, assez Vite. Je dirais au bout d’un an.

CH : — D’accord. Est-ce que tu aurais eu tendance À arrêter les groupes après les boulimies ?

JF : — Non, parce qu’en fait, j’ai très vite compris, grâce à toi, que c’était un symptôme d’un problème de personnalité, ça c’était encore là. Ça vraiment j’avais du mal avec l’intimité avec l’autre, avec le contact, à gérer mes émotions. J’ai compris qu’il fallait que je désapprenne tout ce que je pensais être normal, pour réapprendre à fonctionner bien, de manière authentique. Ça c’était vraiment tellement profond, que c’est ce qui fait que je suis restée. C’était vraiment important pour moi. Je dirais que moi ce que j’ai vraiment gagné c’était de l’estime de moi, et du respect pour moi-même, ce qui fait qu’aujourd’hui je suis très droite dans mes bottes, et comme je suis toujours en adéquation avec moi, à tous moments de la journée, tout va bien. Tu vois, avant, pendant des années, je me couchais le soir, je repassais toute ma journée : « là j’aurais dû dire ça, là je n’aurais pas dû dire ça, j’aurai dû faire ça… ».
C’était l’enfer, je mettais 1h30 à m’endormir. Maintenant, je me couche et je m’endors, parce que je sais que ma journée s’est déroulée de la manière dont j’avais envie qu’elle se déroule. J’ai fait au mieux avec ce que j’avais à ce moment-là, en étant fidèle à moi-même. En ayant dit non quand j’avais envie de dire non, en ayant dit oui quand j’avais envie de dire oui, et en m’étant écoutée, en ayant respecté les autres, tout en m’affirmant, et en posant mes limites. J’étais très forte, je pense, mais ça sortait mal, tu vois ? Ça sortait en colère, ça sortait en rage, Je ne disais rien pendant très longtemps, j’encaissais, j’encaissais, et puis d’un coup, j’explosais en disant : « Bon finalement, tu m’emmerdes, je me casse. Maintenant, les limites c’est bon. « En fait, je voudrais parler de ça ; ça n’allait pas. Est ce qu’on peut améliorer ça ? ». Ne plus avoir peur de dire les choses, mais ne plus avoir peur de l’autre. Finalement, de se montrer vulnérable à l’autre en lui disant que certaines choses ne vont pas. Parce que je pense que je cherchais une perfection de façade. Je voulais être, il fallait que rien ne dépasse, et comme ça si on ne voyait rien, j’arrivais pas à être moi. Je ne montrais pas mes faiblesses et mes vulnérabilités, parce que j’avais peur qu’on me juge. Il fallait que je sois parfaite, que je sois forte, et que je sois pas lisible en tant que personne, donc je n’existais pas. Moi, à l’époque, au travail, ou dans la vie, quand je sortais fumer une cigarette, que quelqu’un d’autre que je ne connaissais pas, ou peu, arrivait, c’était l’angoisse totale. J’étais pétrifiée parce que je me disais : mais qu’est-ce que je vais raconter à cette personne, qui ne me connait pas ? Donc de pas intello, de pas profond, parce qu’à l ‘époque les discussions légères, je trouvais que ça n’avait pas trop d’intérêt, parce que ça ne faisait pas avancer le monde, je me disais : « Mais mon Dieu, je vais pas parler de la météo ! Mais, mais, qu’est-ce que je vais dire ? ». Donc je ne disais rien, en fait. Je fumais ma clope, je regardais mes pieds. Si la personne faisait l’effort, je répondais, mais si la personne ne parlait pas, il y avait ces dix minutes de silence complètement pesant, où tu fumais une cigarette à côté d’un autre être humain, et personne ne sait comment rentrer en contact avec l’autre. Alors qu’aujourd’hui, c’est vrai que je croise des gens je suis là : « Bonjour, comment vous allez aujourd’hui ? Ah la, il fait froid aujourd’hui, ça fait chier. Et puis alors, vous faites quoi pour Noël ? Vous avez quoi de prévu pour ce week-end ? ah c’est super, moi aussi j’aime bien ça, et puis paf, trois heures après j’y suis encore.

CH : Qu’est-ce que tu avais fait comme études ?

JF : — Moi j’ai fait Hypocagne, Sciences-po,
j’ai fait un DEA en sciences de l’information et de la communication, et j’ai fait un DESS en communication des entreprises et des institutions.

CH : — D’accord. Tu avais quel âge quand tu as intégré les groupes ?

JF : — C’était en 2011, j’avais 27 ans, j’allais avoir 28 ans.

CH : — D’accord. Tu as mis combien de temps pour faire les groupes ? Tu les as faites en deux ans ?

JF : — moi je les ai faites en 18 mois. Je venais vraiment, tu vois j’étais très studieuse, donc je venais tous les mois. Comme j’habitais à Paris, c’était facile, donc je venais tous les mois, pendant 18 mois.

CH : — D’accord

JF : — Mais ça me fatiguait, ça me remuait beaucoup. Je me souviens, je voyais souvent une copine, on dinait le soir après. Chaque fois elle me disait : « Ah la, t’as l’air crevé ! ». Mais c’était tellement intense, tu vois. Je ne parlais pas beaucoup, mais ça me faisait bouger énormément de choses, parce que je me reconnaissais dans plein d’histoires. Tu vois, j’avais fait vu des psychiatres avant, mais voilà, c’était face-à-face, c’était : « Bon alors, comment ça va ? » je peux lui raconter le bottin, il n’a pas de soucis. Je peux faire des claquettes, j’arrivais à meubler pendant une heure En plus je voyais dans les histoires des autres, des choses que je n’arrivais même pas à identifier chez moi, comme étant déconnant. Et d’un seul coup, mon monde s’écroulait. Je me disais : « Mais merde, moi aussi je fais ça ». Et en fait, quand je le vois chez l’autre, je me rends compte que c’est nul, ce n’est pas possible, ça ne peut pas fonctionner comme ça. Ça m’a fait tout m’écrouler, et tout remettre en place après, mais c’est génial.

CH : — Tu avais fait des psychothérapies avant ? Plusieurs ?

JF : — Pas longtemps, je ne suis pas restée très longtemps parce qu’on s’ennuyait en fait. J’arrivais, elle était assise à son bureau, je m’asseyais en fasse. Elle me demandait comment se passait ma semaine. Tu vois je déroulais le truc classique d’intello : « J’ai fait ça au boulot, j’ai fait ça ». Puis elle me disait : » Hum hum, d’accord, hum, hum ». Je partais, super. J’avais raconté ma semaine à quelqu’un qui hochait de la tête, mais ça me n’avait pas apporté grand-chose. Comme je contrôlais mon discours, et que je savais très bien le faire, j’allais pas du tout au fond des choses. Il y avait plein de choses où je ne pouvais pas mettre le doigt sur le fait que ça n’allait pas, parce que c’est ton système à toi. Ce que je me rends compte aujourd’hui c’est que les émotions négatives des autres ne m’atteignent plus du tout dans mon dans mon être. Si quelqu’un est en colère à côté de moi, je reconnais l’émotion de colère, mais je ne la perçois pas comme étant dirigée contre moi, et donc ça ne me fait pas de mal. Idem si quelqu’un se met à pleurer, bien sûr je ressens l’empathie pour la tristesse, mais ça ne me rend pas triste, ça ne me fait pas du mal. Je vois l’émotion de l’autre, je vois qu’elle existe, je vois qu’elle est présente, je la reconnais mais elle ne m’atteint pas du tout dans ma sensibilité, dans mes émotions à moi.

CH : — Est-ce que tu dirais que tu n’es plus Hyper sensible ou pas ?

JF : — Presque. Je me sens empathique, mais je me sens plus hypersensible. Je ne prends plus du tous les choses personnellement, je ne suis plus du tout paranoïaque. Je vois les choses, et puis elle m’affecte à un niveau normal. Je ne me braque plus, je me vexe plus. Ça ne me fait pas du mal au-delà de ce que ça devrait me faire.

CH : — C’est très chouette ce que tu dis merci beaucoup, parce que c’est un très beau témoignage.

JF : — Voilà, comme quoi, tout peut changer.

Le récit de JF est un exemple inspirant de la transformation profonde que peut apporter l’acquisition de l’estime de soi. Au fil de ses rencontres en groupe et de sa propre introspection, elle a appris à se connaître véritablement, à s’accepter avec ses imperfections et à vivre une vie authentique et à renonce à son exigence vis-à-vis des autres.

Tout d’abord, JF souligne l’importance de la relation apaisée à l’autre pour pouvoir avoir une relation apaisée à elle-même. Tout d’abord, elle a compris que la boulimie n’était qu’un symptôme d’un problème plus profond lié à son estime de soi et à sa difficulté à gérer ses émotions. En s’engageant dans ce voyage personnel en groupe, à se montrer vulnérable et à établir des connexions authentiques avec les autres elle a acquis une force qu’elle n’imaginait pas pouvoir posséder un jour…. En plus de la disparition de ses troubles alimentaires.