Comment la boulimie disparaît grâce à un travail sur son identité
Grâce aux interactions avec les autres, aux jeux de rôle, à l'authenticité des participants, on apprend à se remettre en question. L'accent n'est pas mis, dans cette approche, sur ce que les participants pensent de leur vie, de leur passé, de leurs parents ou de leur corps: ils ne s'écoutent pas parler en boucle, ne restent pas dans l'intellect. Le groupe permet de sortir de la «rumination» mentale et pousse à réagir. Peu importe sur quoi on réagit parce que dans les réactions plus que dans les pensées il y a beaucoup à voir et à entendre parce qu'elles n'ont pas été contrôlées.
L'intérêt de l'effet miroir
Certains parlent facilement, d'autres restent plus en retrait. Mais, grâce à l'effet miroir, on découvre des choses sur soi lorsqu'elles sont exprimées par d'autres. On se surprend à être d'accord alors qu'on tenait des discours opposés, à aimer ou au contraire être "bousculé" par tel propos, telle personne et, dans ses réactions, voir surgir des côtés de soi que l'on ne soupçonnait pas.
Le manque de confiance en soi est parfois la conséquence d'une timidité liée à un manque d'expérience, et l'on peut très bien ne pas en souffrir au point de se sentir malgré tout bien dans sa peau.
Un problème d'identité peut conduire à l'isolement soit par un comportement social d'évitement soit par un comportement apparamment trop sûr de soi et intrusif
En revanche, lorsque l'on a un problème d'identité (parfois sans le savoir lorsque l'on a une addiction qui permet de faire comme si tout allait bien, et même parfois y croire), des symptômes pénalisants finissent par apparaître. On se trouve alors confronté à des angoisses disproportionnées, une non-estime de soi, des sentiments de solitude et d'ennui ainsi que des difficultés relationnelles quand l'affectif est en jeu. De ce fait, on fait des choix de vie qui ne sont pas de vrais choix, on a un besoin excessif de la présence de l'autre et de son adhésion que l'on souhaite inconditionnelle, faute de quoi on le rejette ou l'on se replie sur soi. Ainsi, ceux qui ont besoin d'une addiction pour échapper au réel, à l'ennui, à eux-mêmes, n'ont pas un manque de confiance en soi mais plutôt un manque de soi.
Dans un groupe, la spontanéité l'emporte...
Un problème d'identité ne se résume pas au fait que l'on soit très réservé ou, au contraire, trop sûr de soi. On ne parle réellement de problème d'identité que lorsque l'on n'est pas soi-même, ou bien trop sûr de soi sans se rendre compte que l'on n'est ni soi-même, ni, par voie de conséquence, dans une authentique relation avec l'autre.
Ceux qui sont réservés par peur de déplaire, d'être jugé, au point de ne pas pouvoir prendre la parole ou leur place face aux autres ont un problème d'identité. Ils sont dans l'inauthenticité, l'incohérence, l'irréel et c'est ce qui les rend littéralement "malades" au sens psychologique, comportemental et même somatique.
Parler de leur relationnel amoureux ou de leur désert affectif, de leurs non-envies concernant la vie quotidienne, c'est déjà une façon pour eux de dévoiler des petits bouts de soi.
Dans un travail en groupe il ne s'agit pas de les materner, ni leur tenir la main, mais de les amener petit à petit à s'exprimer avec authenticité devant les autres pour qu'ils commencent à se sentir exister. Il ne s'agit pas bien sûr d'aborder le sujet de la boulimie ni du passé, mais d'aborder des thèmes actuels qui peuvent poser problème et qui touchent directement l'émotionnel comme par exemple la vie amoureuse, le relationnel du moment, ou la façon dont on ressent telle ou telle personne, tel ou tel propos dans le groupe. Ces personnes garderont leur tempérament réservé mais elles apprendront à exprimer ce qu'elles ressentent réellement et au passage apparaîtront les maladresses, les "scénari et croyances irrationnels" qui seront travaillés dans des jeux de rôle. Ainsi, bien que réservées de tempérament elles apprendront à être authentiquement elles-mêmes dans la relation à l'autre. Comme le disait le père de la Gestalt thérapie et comme l'exprime aujourd'hui le philosophe Misrahi (spécialiste de Spinoza, Robert Misrahi est un philosophe contemporain qui consacre son travail à la liberté et au bonheur), on ne peut accéder au bien-être qu'en devenant authentiquement soi-même dans le respect de l'autre.
Lorsque l'on est au contraire affirmé, sûr de soi, que l'on s'exprime avec une aisance gestuelle et verbale en donnant l'impression et même en se sentant sur le moment invincible et surpuissant, on n'est pas vraiment soi pour autant. On peut donner ou se donner l'apparence d'être authentique sans l'être réellement. Mais lorsque ces personnes sortent de l'intellect, lorsqu'elles réussissent à identifier leurs émotions, elles peuvent s'apercevoir que leur raisonnement cachait une tristesse, une colère, une honte... Les "je pense que...", je me dis que..." doivent alors être reformulés en terme de "j'aime" ou "j'aime pas", "telle chose me plaît , telle chose ne me plaît pas. En utilisant un registre émotionnel et non rationnel on peut très vite accéder au moi profond qui se cache derrière le personnage qu'on se joue à soi-même ou aux autres (parfois sans le savoir).
Une réflexion faussement détachée peut cacher de l'hostilité, laquelle peut renvoyer à des schémas qui ne nous appartiennent pas vraiment.
Ce qu'ils en pensent
Deux psychothérapeutes réputés donnent ici leurs points de vue sur ma démarche psychothérapeutique dédiée à la boulimie-anorexie.

Le style de Catherine Hervais, confrontant, chaleureux et authentique.
Dr. Charles Gellman > LIRE LA SUITE
Comme Perls, elle utilise le contact actuel pour faire surgir l’authenticité des personnes boulimiques.
Serge Ginger > LIRE LA SUITE
Une colère apparemment spontanée peut dissimuler une tristesse très ancienne, une peur ou une sympathie liée davantage à nos envies et à nos frustrations d'enfant qu'à la réalité d'aujourd'hui...
Seules nos émotions, dans l'ici et maintenant du groupe, peuvent nous conduire à nous-même et nous surprendre en même temps. Telle personne me touche et pourtant elle dit quelque chose de totalement opposé à l'idée que je me fais de la vie. Telle personne m'irrite et je finis par reconnaître en moi ce qui m'irritait en elle. Je pensais agacer une telle et voilà qu'elle me dit que je la touche. Tout mon univers conceptuel chavire au fur et à mesure qu'émergent mes émotions.
.. et les masques tombent
On ne s'imagine pas être capable de parler devant les autres et pourtant on le fait. Ceux qui restent en retrait ne perdent pas leur temps pour autant: ils s'imprègnent de l'expérience des autres pour réajuster les bases de leur identité. Les groupes durent deux jours parce qu'il faut du temps pour tomber le masque, pour lâcher prise avec sa rigidité, se surprendre au travers de ses propres réactions. La plupart des gens vit les groupes comme une aventure passionnante. On ne s'attend pas à ce que certaines personnes ressentent les mêmes choses que nous. On ne se sent plus aussi seul. Au fur et à mesure des groupes le regard sur les autres et sur soi change.
La plupart des personnes présentes sont des boulimiques anorexiques, sans doute parce que, de toutes les personnes addictives, elle sont le plus en demande de thérapie. La plupart sont des femmes, souvent intelligentes et drôles. Certaines ont quinze ans, d'autres soixante mais quand on parle un langage authentique, tout le monde a le même âge. Il peut y avoir un ou deux hommes aussi dans l'aventure, soit parce qu'ils sont boulimiques, soit parce qu'ils sont mari ou père d'une personne boulimique (non présente) et qu'ils veulent comprendre. Ils ne sont néanmoins pas là juste pour voir. Eux aussi s'impliqueront dans le groupe en tant que personne.
On découvre son vrai soi...
En se confrontant aux autres, on découvre plus vite sa vraie personnalité qu'en racontant sa vie. Une trentaine de personnes viennent en thérapie un week-end par mois (ou un week-end tous les deux mois) sur dix-huit groupes. Peu importe ce dont on parle, c'est la façon dont on en parle qui va être travaillée. On parle toujours à quelqu'un, ce qui permet d'apprendre à ne plus se parler seulement à soi-même (ce que font sans se rendre compte ces personnes qui ont besoin d'une addiction pour vivre).
.. et l'angoisse diminue...
La boulimie répond à des angoisses souterraines très fortes. Pour qu'elle ne soit plus nécessaire, il faut que ces angoisses disparaissent. Le travail en groupe les fait disparaître en permettant de se reconnecter à soi-même. Dans ce travail ce ne sont pas les pensées (aussi brillantes soient-elles) qui comptent, mais les émotions. D'où l'importance de la relation à l'autre dans ce travail, l'autre que l'on a tendance à fuir par peur de déplaire ou à suivre inconditionnellement par peur de se retrouver tout seul avec son vide intérieur vertigineux. Dans la relation aux autres dans un groupe, on découvre comment on n'est pas soi-même et on s'exerce à dire ce que l'on ressent authentiquement.
.. l'apaisement dû à la boulimie est remplacé par le plaisir de se sentir enfin exister parmi les autres.
Jean Paul Sartre a dit dans un interview : "On peut se permettre toutes les insolences et toutes les impertinences tant qu'elles sont faites avec courtoisie".
Il s'agit donc non seulement d'apprendre à dire ce que l'on ressent sans se cacher derrière ses peurs (en n'allant pas droit au but ou en faisant des raisonnements conscients très bien construits mais pas authentiquement, émotionnellement soi), mais aussi de découvrir le plaisir d'être, quand on est à la fois juste avec soi, tout en étant dans le respect de l'autre.